Décarbonation et solutions digitales : synergies et limites

La décarbonation est une priorité face aux enjeux climatiques. Les solutions digitales, telles jouent un rôle central dans la réduction du CO2 et l’amélioration de l’efficacité énergétique. Cependant, ces technologies présentent également certaines limites.

Auditeur bâtiment transition énergétique décarbonation

À propos de l’auteur

Avi-Hai Bentura
Ingénieur Efficacité Énergétique en alternance chez Enera Conseil
Élève à l’ENOV en Mastère TED.

La décarbonation est une priorité face aux enjeux climatiques. Les solutions digitales, telles que l’IA, les jumeaux numériques et l’automatisation, jouent un rôle central dans la réduction du CO₂ et l’amélioration de l’efficacité énergétique.

Cependant, ces technologies présentent également certaines limites : analysons ensemble !

Sommaire de l’article :

Qu’est-ce que la décarbonation, et que vise-t-elle ?

Définition et origine du terme

La décarbonation désigne l’ensemble des actions visant à réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO₂) liées aux activités humaines. L’objectif est clair : diminuer notre dépendance aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) pour ralentir le réchauffement climatique.

Ce terme s’est imposé avec la montée des enjeux environnementaux, notamment dans les politiques climatiques européennes. Il est désormais au cœur des stratégies publiques et privées, tous secteurs confondus.

Importance dans la lutte contre le changement climatique

Pourquoi décarboner ? Parce que le CO₂ est le principal gaz à effet de serre émis par l’homme. En ciblant directement les sources d’émission, la décarbonation permet d’agir sur le levier le plus impactant de la crise climatique.

Sans cette transformation en profondeur, atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 – comme le prévoit l’Accord de Paris – est tout simplement impossible.

Les entreprises françaises à l’avant-garde de la décarbonation

En France, des entreprises telles que Technip Energies, Air Liquide, EDF et Veolia sont à la pointe de la décarbonation industrielle. Elles développent des solutions comme la capture du carbone, l’hydrogène vert et la valorisation des déchets

Technip Énergies se concentre sur la capture du CO2 et l’électrification, tandis qu’Air Liquide développe l’hydrogène bas carbone. 

EDF mise sur l’électrolyse pour produire de l’hydrogène vert, et Veolia valorise les déchets pour produire de la biomasse, réduisant ainsi les émissions de CO2.

Les secteurs clés de la décarbonation

Industrie : enjeux et stratégies de réduction des émissions

L’industrie représente une part significative des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Face aux impératifs climatiques et aux réglementations de plus en plus strictes, les entreprises industrielles doivent engager une transformation profonde en s’appuyant sur plusieurs leviers :

  • Remplacer les énergies fossiles par de l’électricité décarbonée : le recours aux énergies renouvelables, comme l’éolien et le solaire, ou encore à l’hydrogène vert, permet de réduire considérablement les émissions liées aux procédés de fabrication.
  • Moderniser les équipements pour gagner en efficacité énergétique : l’adoption de technologies plus performantes, comme les fours industriels à haute efficacité ou les moteurs électriques à faible consommation, limite le gaspillage énergétique.
  • Réutiliser les déchets comme source d’énergie secondaire : dans certaines industries, les sous-produits de fabrication peuvent être valorisés pour produire de l’énergie. Par exemple, dans la métallurgie, la chaleur dégagée par les hauts-fourneaux peut être récupérée pour alimenter d’autres processus.

Des secteurs particulièrement énergivores, tels que la cimenterie ou la sidérurgie, amorcent déjà cette transition en expérimentant de nouveaux procédés, comme l’utilisation de fours électriques ou l’intégration du captage et stockage du carbone (CCS). 

Cependant, les défis technologiques et économiques restent nombreux, nécessitant des investissements massifs et une coordination entre les acteurs publics et privés.

Le Transport : vers une mobilité plus propre

Le transport est l’un des principaux responsables des émissions de CO₂, en raison de sa dépendance aux carburants fossiles. Pour amorcer sa décarbonation, plusieurs pistes sont privilégiées :

  • L’électrification du parc automobile : le développement des véhicules électriques, couplé à un réseau de bornes de recharge performant, est une solution clé pour réduire la pollution liée aux déplacements individuels.
  • Le développement du ferroviaire pour les longues distances : le train, et en particulier les lignes à grande vitesse ou les trains de fret, constitue une alternative beaucoup plus écologique aux transports routiers et aériens.
  • Les carburants alternatifs (hydrogène, biogaz) : l’hydrogène vert et les biocarburants offrent des solutions viables pour des secteurs difficiles à électrifier, comme l’aviation ou le transport maritime.
  • Les mobilités douces (vélo, marche, transports en commun) : au niveau individuel, privilégier ces alternatives aux trajets en voiture permet de réduire significativement l’empreinte carbone des déplacements quotidiens.

L’évolution vers une mobilité durable implique également de repenser l’aménagement des villes en favorisant les transports en commun, en créant des infrastructures cyclables sécurisées et en développant des services de covoiturage et d’auto-partage.

L’Énergie : transition vers des sources renouvelables

Historiquement, la production d’énergie repose largement sur les énergies fossiles comme le charbon et le gaz naturel. Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, une transformation en profondeur du secteur est nécessaire :

  • Développer les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique) : ces sources d’énergie propres sont essentielles pour remplacer les centrales thermiques polluantes et limiter la dépendance aux combustibles fossiles.
  • Optimiser le réseau électrique pour intégrer ces sources intermittentes : la mise en place de solutions de stockage (batteries, hydrogène, stations de transfert d’énergie par pompage) et l’amélioration des réseaux intelligents (smart grids) permettent de mieux gérer la variabilité de la production renouvelable.
  • Fermer progressivement les centrales fossiles et les remplacer par des unités bas carbone : la transition énergétique implique la sortie progressive du charbon et la conversion des infrastructures existantes vers des technologies plus durables.

Si le mix énergétique évolue rapidement, cette transition demande des investissements considérables et une volonté politique forte pour adapter les infrastructures et soutenir l’innovation technologique.

La décarbonation du secteur du Bâtiment : efficacité énergétique et matériaux durables

Le secteur du bâtiment est responsable de 23 % des émissions des GES en France. Pour atteindre la neutralité carbone, les efforts se concentrent sur l’amélioration de l’efficacité énergétique. Notamment par la rénovation thermique et le remplacement des systèmes de chauffage par des énergies renouvelables comme les pompes à chaleur géothermique.

L’électrification avec de l’électricité verte est également encouragée. Les réglementations thermiques et les aides financières soutiennent ces efforts, bien que des défis persistent, tels que le coût des travaux et la pénurie de professionnels qualifiés.

  • Privilégier la rénovation thermique : améliorer l’isolation des bâtiments existants, remplacer les vitrages peu performants et moderniser les systèmes de chauffage permettent de réduire considérablement la consommation énergétique.
  • Utiliser des matériaux biosourcés (bois, chanvre, terre crue) : ces matériaux ont un impact environnemental bien moindre que le béton ou l’acier, tout en offrant de bonnes performances thermiques et un excellent bilan carbone.
  • Intégrer des technologies passives dans la conception des bâtiments : l’orientation des constructions, la ventilation naturelle et les solutions bioclimatiques permettent de minimiser les besoins énergétiques sans recourir à des équipements énergivores.

Chaque bâtiment rénové ou construit selon ces principes représente une avancée vers une empreinte carbone plus faible. L’enjeu est d’autant plus important que la réglementation évolue, imposant des standards énergétiques plus exigeants pour les nouvelles constructions et incitant à la rénovation du parc existant.

Auditeur bâtiment transition énergétique décarbonation

Les apport des solutions digitales dans les stratégies de décarbonation

Les solutions digitales essentielles pour optimiser la décarbonation dans des secteurs comme l’industrie, le bâtiment, les transports et l’agriculture. L’IA permet une analyse des données en live pour une gestion plus efficace de l’énergie.

Par exemple, dans les bâtiments, les systèmes de GTB ajustent l’éclairage, le chauffage et la climatisation en fonction des besoins, tandis que les réseaux intelligents (smart grids) adaptent la distribution d’électricité selon la demande et la disponibilité des énergies renouvelables.

Les jumeaux numériques, en simulant les performances des systèmes avant leur déploiement, réduisent le CO2 et les ressources utilisées. De plus, la maintenance prédictive, basée sur des capteurs et l’IA, optimise l’utilisation des équipements, réduisant les pannes et les déplacements non planifiés pour la maintenance.

Synergies entre technologies et secteurs

La décarbonation repose sur des synergies entre les secteurs et les technologies. Par exemple, l’électrification des transports nécessite une production d’électricité renouvelable.

L’hydrogène vert pourrait remplacer les combustibles fossiles dans des industries lourdes comme la sidérurgie. Des partenariats public-privé sont essentiels pour mutualiser les coûts et les compétences. Le projet DKarbonation à Dunkerque illustre ce type de collaboration.

Les limites des solutions digitales

Malgré leurs avantages, les solutions digitales présentent des limites. En France, le secteur numérique représente environ 2,5 % des émissions nationales de GES proportion qui pourrait augmenter d’ici 2030 en raison de la hausse de la demande. Le déploiement du numérique et la centralisation des actions autour du digital augmentent considérablement les risques de cyberattaques et la possibilité d’une panne centralisée.

Il est donc essentiel de rester vigilant et de ne pas se reposer uniquement sur le digital. De plus, seulement 10 % des entreprises mesurent correctement leurs émissions de CO2, ce qui limite l’efficacité des solutions digitales. Les coûts d’adoption et les incertitudes concernant le retour sur investissement freinent également les PME.

Le manque de compétences numériques et l’absence de normes communes réduisent par ailleurs les synergies entre technologies.

Défis de la transition énergétique

La transition énergétique rencontre des obstacles.

Les technologies de capture et de stockage du carbone, essentielles dans des secteurs comme la sidérurgie, restent coûteuses et difficiles à déployer sans soutien financier. Le prix du carbone n’incite pas toujours les entreprises à adopter ces technologies. L’intermittence des énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, pose des défis de stockage qui limitent l’efficacité des efforts de décarbonation.

Comment contribuer à la décarbonation au quotidien ?

Actions individuelles et collectives

La transition vers une société bas-carbone ne repose pas uniquement sur les politiques publiques et les innovations technologiques. Elle passe aussi par des changements concrets dans nos habitudes de vie. Chacun peut, à son échelle, réduire son empreinte carbone en adoptant des comportements plus sobres et en favorisant des alternatives durables.

  • Réduire sa consommation d’énergie : Limiter le gaspillage énergétique est une action accessible à tous. Cela passe par des gestes simples comme éteindre les appareils en veille, privilégier des équipements moins énergivores (électroménager classé A, ampoules LED) ou encore adapter le chauffage et la climatisation pour éviter toute surconsommation inutile. L’isolation des logements, bien qu’engageante financièrement, constitue un levier majeur pour diminuer la consommation d’énergie sur le long terme.
  • Modifier ses déplacements : Les transports représentent l’une des principales sources d’émissions de gaz à effet de serre. Privilégier les transports en commun, le vélo ou la marche lorsque c’est possible réduit significativement l’empreinte carbone. Pour les trajets plus longs, le covoiturage et le train s’imposent comme des alternatives à l’avion et à la voiture individuelle. L’essor des véhicules électriques, couplé à des sources d’énergie renouvelable, renforce aussi cette dynamique vers une mobilité plus propre.
  • Adopter une alimentation plus responsable : L’industrie agroalimentaire, et en particulier l’élevage, est une source majeure d’émissions de CO₂ et de méthane. Réduire sa consommation de viande, notamment de bœuf, et favoriser une alimentation plus végétale permet de limiter cet impact. Privilégier les produits locaux et de saison contribue également à réduire l’empreinte carbone liée au transport et au stockage des denrées alimentaires.

Chaque geste compte, et lorsqu’ils sont adoptés par des millions de personnes, leur impact devient significatif. L’implication des citoyens, associée aux efforts des entreprises et des institutions, est essentielle pour réussir la transition vers un modèle plus durable et respectueux du climat.

La décarbonation au coeur de la transition énergétique des bâtiments

La digitalisation et la décarbonation sont liées, mais leur réussite dépend d’une coopération étroite entre entreprises, gouvernements et acteurs locaux. Les solutions digitales peuvent offrir des gains en efficacité énergétique, mais elles doivent s’accompagner de mesures réglementaires pour éviter que la digitalisation ne devienne un frein à la décarbonation. 

La France doit continuer à investir dans les technologies vertes tout en s’assurant que la digitalisation contribue durablement à la lutte contre le changement climatique pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.