À propos de l’auteur
Ousmanou Bakari
Energy Manager en alternance chez Kallpa Energy
Élève à l’ENOV en Mastère TED.
Le décret tertiaire change les règles de la maîtrise de l’énergie en obligeant les occupants et propriétaires de grands bâtiments tertiaires à suivre et réduire leur consommation d’énergie. La rationalisation des espaces est un levier clé de réduction de nos dépenses énergétiques souvent sous-estimé et complexe à mettre en oeuvre.
Mais pourquoi est-ce que la rationalisation des espaces est nécessaire ? Quels sont les leviers pour atteindre les objectifs de cette réglementation complexe ?
Sommaire de l’article :
- Qu’est-ce que le décret ou la loi tertiaire et bâtiment neuf ?
- Loi tertiaire : Qui est concerné par le décret de rénovation ?
- Les Objectifs du Décret Tertiaire pour 2030 : Réduire la Consommation Énergétique
- Optimisation de l'Occupation des Espaces : Une Clé pour Réduire la Consommation
- Rénovation des Infrastructures : Un Passage Obligé
- Premiers Résultats du Bilan OPERAT 2022-2023
- Bien comprendre le fond du décret tertiaire, pour avancer dans la rénovation énergétique et digitale des bâtiments
Qu’est-ce que le décret ou la loi tertiaire et bâtiment neuf ?
Le Décret Tertiaire, mis en place en 2019 dans le cadre de la loi Élan, marque un tournant dans la manière dont la France gère la consommation énergétique des bâtiments à usage tertiaire. Il s’agit d’une mesure ambitieuse, avec des objectifs bien précis : réduire la consommation d’énergie de 40 % d’ici 2030, 50 % d’ici 2040, et 60 % d’ici 2050.
Ces cibles visent à aider la France à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour y arriver, deux leviers sont mis en avant : mieux utiliser les espaces et rénover les infrastructures pour qu’elles soient plus économes en énergie.
Loi tertiaire : Qui est concerné par le décret de rénovation ?
Pour rationaliser au plus simple, le Décret Tertiaire s’adresse à tous les bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2. Cela concerne donc les bureaux, les écoles, les hôpitaux, les hôtels ou encore les entrepôts.
Pour plus de détails, le décret tertiaire, inscrit dans le cadre de la loi ÉLAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique), impose aux bâtiments à usage tertiaire une réduction progressive de leur consommation énergétique. Ce dispositif vise à accélérer la transition énergétique du parc immobilier en fixant des objectifs ambitieux à atteindre d’ici 2050.
Sont concernés tous les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles immobiliers à usage tertiaire dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m². Cela inclut une grande diversité de secteurs : bureaux, commerces, hôtels, établissements de santé, écoles, bâtiments administratifs, ainsi que les infrastructures logistiques et de transport couvertes par l’activité tertiaire. Les propriétaires comme les exploitants sont tenus de mettre en place des actions de rénovation et d’optimisation énergétique afin de respecter les seuils fixés par la réglementation.
Les Objectifs du Décret Tertiaire pour 2030 : Réduire la Consommation Énergétique
L’idée est simple : réduire la consommation énergétique par rapport à une année de référence choisie entre 2010 et 2019. En plus d’alléger la facture énergétique, l’objectif est d’améliorer le confort des occupants et de limiter les coûts d’exploitation. Il s’agit d’une démarche globale qui touche plusieurs secteurs, et donc un grand nombre d’acteurs.
L’objectif est de réduire la consommation d’énergie finale de 40 % d’ici 2030, 50 % d’ici 2040 et 60 % d’ici 2050, en prenant comme référence une année de consommation antérieure, qui peut être choisie entre 2010 et 2020.
Pour assurer le suivi des engagements, les acteurs concernés doivent déclarer annuellement leurs consommations via la plateforme OPERAT, gérée par l’ADEME. En cas de non-conformité, des sanctions sont prévues, allant de la publication du nom des contrevenants (name & shame) à des amendes administratives.
Le décret tertiaire représente donc un levier majeur pour la rénovation énergétique du secteur, incitant les entreprises et les collectivités à repenser leur gestion énergétique et à investir dans des solutions durables pour améliorer leur performance environnementale. Tous doivent s’engager pour revoir la manière dont les bâtiments sont utilisés au quotidien afin d’atteindre les objectifs ambitieux fixés par le décret. Un des outils principaux est l’audit énergétique, qui peut être réglementaire dans certaines situations !
Notons que la densité d’utilisation des espaces engendrera une correction automatique des objectifs des bâtiments tertiaire à l’horizon 2030, 2040 et 2050. C’est exactement pour ces raisons qu’il est essentiel de déclarer et suivre ces indicateurs d’intensité d’usage.
Optimisation de l’Occupation des Espaces : Une Clé pour Réduire la Consommation
L’optimisation de l’occupation des espaces joue un rôle central dans la réduction de la consommation énergétique des bâtiments. Un agencement réfléchi permet de tirer parti de l’éclairage naturel, de maximiser l’efficacité des systèmes de chauffage et de ventilation, et d’adapter les espaces en fonction des usages réels.
Dans les bureaux, les logements ou les bâtiments publics, une meilleure organisation des espaces permet de limiter les surfaces inutilisées, de mutualiser les ressources et d’adopter des solutions adaptées aux besoins des occupants.
En réduisant le gaspillage énergétique lié aux volumes mal exploités, cette approche contribue directement aux objectifs de sobriété et d’efficacité énergétique, tout en améliorant le confort et la fonctionnalité des lieux.
Réaménagement des Espaces de Travail
Un des moyens les plus directs pour économiser l’énergie est de revoir la manière dont on utilise les espaces de travail. En effet, la consommation d’un bâtiment dépend souvent de l’occupation des espaces : les systèmes de chauffage, d’éclairage et de climatisation fonctionnent en fonction du nombre de personnes présentes et de l’utilisation de chaque zone.
Or, une étude de l’Institut Paris Région révèle que 30 % des bureaux sont sous-utilisés, en grande partie à cause de l’augmentation du télétravail. Cela représente une véritable opportunité : en réorganisant les espaces, comme avec des bureaux partagés, des salles de réunion modulables ou des open-spaces, on peut éviter le gaspillage énergétique.
De plus, le travail hybride (mélange de présence sur site et de télétravail) permet également de diminuer l’usage des infrastructures, ce qui a un impact direct sur la consommation énergétique. Non seulement cela permet de faire des économies, mais cela contribue également à améliorer le bien-être des employés en créant des environnements de travail plus adaptés à leurs besoins.
Technologies Intelligentes pour la Gestion des Espaces
La technologie peut aussi jouer un rôle crucial. Aujourd’hui, il existe des systèmes de gestion technique des bâtiments (GTB) capables de réguler automatiquement les équipements (éclairage, chauffage, climatisation) en fonction de l’occupation des lieux. Des capteurs peuvent détecter les zones inoccupées et adapter la consommation en conséquence, ce qui permet de limiter les gaspillages.
A une échelle plus globale, des innovations comme les smart grids permettent même de gérer la production, la distribution et la consommation électrique en fonction de la demande, en direct. De sorte à produire au plus juste, et redistribuer efficacement, limitant ainsi le coût énergétique, environnemental et financier du stockage.
Les données de la plateforme OPERAT montrent que ces systèmes ont permis de réduire la consommation énergétique de 15 à 25 % dans les bâtiments qui en sont équipés. Ce type de gestion intelligente devient donc un outil indispensable pour réduire les coûts énergétiques tout en respectant les obligations du décret.
Rénovation des Infrastructures : Un Passage Obligé
La rénovation des infrastructures est un levier incontournable pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et répondre aux exigences environnementales actuelles. Face à un parc immobilier souvent vieillissant et énergivore, repenser l’isolation, moderniser les systèmes de chauffage et optimiser la gestion des équipements devient essentiel.
Ces travaux permettent non seulement de réduire la consommation d’énergie et les émissions de CO₂, mais aussi d’améliorer le confort des usagers et la durabilité des constructions.
Dans un contexte réglementaire de plus en plus exigeant, la rénovation énergétique s’impose comme un passage obligé pour aligner les infrastructures aux standards de performance actuels et préparer l’avenir du bâti.
La Rénovation Énergétique des Bâtiments
L’optimisation de l’occupation des espaces ne suffit pas à elle seule pour atteindre les objectifs fixés. La rénovation des bâtiments, en particulier les plus anciens, est indispensable. Si changer les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC) peut suffire pour atteindre les objectifs de 2030, des travaux plus importants seront nécessaires à long terme, notamment pour isoler les bâtiments et atteindre les cibles de 2040 et 2050.
Les bâtiments construits dans les années 1970, souvent mal isolés et équipés de systèmes énergétiques inefficaces, consomment beaucoup plus que les bâtiments récents. Selon le Plan Bâtiment Durable, environ 40 % des bâtiments tertiaires nécessitent des travaux de rénovation pour se conformer aux exigences du décret. Ces travaux incluent l’amélioration de l’isolation des toitures, des murs et des fenêtres, ainsi que le remplacement des systèmes de chauffage ou de ventilation.
Ces rénovations peuvent représenter un investissement important, mais elles sont rentables à long terme. D’après l’ADEME, un bâtiment rénové peut voir sa consommation d’énergie réduite de 30 à 40 % dès les premières années suivant les travaux.
Intégration des Énergies Renouvelables
Une des solutions les plus efficaces pour réduire la consommation énergétique des bâtiments consiste à intégrer des sources d’énergie renouvelable. L’installation de panneaux solaires photovoltaïques ou thermiques sur les toitures s’impose aujourd’hui comme une pratique de plus en plus répandue, en particulier dans les secteurs à forte consommation d’énergie comme l’hôtellerie et les bureaux. Ces équipements permettent de produire de l’électricité ou de chauffer l’eau sanitaire, réduisant ainsi la dépendance aux énergies fossiles et les coûts énergétiques à long terme.
D’autres solutions existent pour exploiter les ressources naturelles à moindre impact. Les pompes à chaleur géothermiques permettent par exemple d’extraire la chaleur du sol pour chauffer ou refroidir un bâtiment avec un rendement élevé. De même, les systèmes de récupération de chaleur peuvent capter l’énergie produite par les équipements de ventilation ou les eaux usées pour la réinjecter dans le circuit de chauffage.
Selon les données d’OPERAT, les hôtels ayant adopté ces solutions ont réduit leur consommation énergétique de 20 % en moyenne, un chiffre significatif à l’échelle d’un parc immobilier. Cette diminution se traduit par des économies substantielles sur les factures énergétiques, mais aussi par une empreinte carbone réduite, contribuant ainsi aux objectifs de transition énergétique. En complément, certains établissements vont plus loin en couplant ces dispositifs à des systèmes de stockage d’énergie, leur permettant d’optimiser l’autoconsommation et de limiter leur dépendance au réseau électrique.
L’intégration des énergies renouvelables dans les bâtiments ne relève plus seulement d’une contrainte réglementaire, mais d’une opportunité stratégique pour anticiper la hausse des coûts de l’énergie et répondre aux attentes croissantes en matière de durabilité.
Premiers Résultats du Bilan OPERAT 2022-2023
La plateforme OPERAT, qui suit l’application du Décret Tertiaire, a publié un premier bilan pour la période 2022-2023. Ce bilan, basé sur 740 000 déclarations couvrant 46 % du parc tertiaire français, montre des résultats encourageants. Depuis l’année de référence, une baisse globale de 22 % de la consommation énergétique a été constatée, avec une réduction notable de 6 % entre 2021 et 2022. La hausse des prix de l’énergie a joué un rôle dans cette diminution, en incitant les gestionnaires de bâtiments à adopter des mesures d’économie.
Les secteurs les plus représentés dans ces déclarations sont les bureaux, les entrepôts logistiques et les établissements de santé, qui représentent 77 % des surfaces déclarées. Bien que ces résultats soient encourageants, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre les objectifs de 2030 et au-delà.
Bien comprendre le fond du décret tertiaire, pour avancer dans la rénovation énergétique et digitale des bâtiments
Le Décret Tertiaire constitue une opportunité majeure pour transformer les bâtiments tertiaires en France et les rendre plus efficaces sur le plan énergétique. Deux leviers essentiels se dessinent : l’optimisation de l’utilisation des espaces et la rénovation des infrastructures.
En adoptant des systèmes intelligents de gestion énergétique et en réalisant des travaux de rénovation nécessaires, il est possible de réduire la consommation énergétique tout en contribuant à la transition écologique.
Les premiers résultats montrent que des efforts significatifs ont déjà été réalisés, mais il est clair que davantage doit être fait pour atteindre les objectifs ambitieux du décret. La mobilisation de tous les acteurs – propriétaires, gestionnaires et usagers – sera cruciale pour réussir cette transition vers un parc immobilier plus durable et respectueux de l’environnement.