À propos de l’auteur
Evann Secouard
Assistant chargé d’affaires GTB chez Enera Conseil
Élève à l’ENOV en Mastère TED.
Face à l’urgence climatique et à l’épuisement des ressources fossiles, la transition vers une énergie durable est indispensable pour la France.
L’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, inscrit dans l’Accord de Paris, pousse le pays à réexaminer son mix énergétique.
Mais est-il possible de viser une France 100% renouvelable d’ici 2050 ?
Sommaire de l’article :
- Doit-on et peut-on être 100% renouvelable en France?
- 100% renouvelable en France en 2050, est-ce mathématiquement possible ?
- Comment mettre en place une transition écologique qui nous permette d’atteindre le 100% renouvelable en 2050 ?
- Une énergie 100 % renouvelable, c’est possible ?
- En France, que représente l’énergie renouvelable dans la consommation en 2025 ?
- Quels pays sont des exemples à suivre en matière d’énergie 100 % renouvelable ?
- Quelles sont les conditions à réunir pour une France 100 % renouvelable ?
- Développer massivement les capacités de production renouvelable
- Rénover massivement les bâtiments et améliorer l’efficacité énergétique
- Assurer la flexibilité et le stockage de l’énergie
- Repenser notre modèle de consommation : sobriété et usages
- Lever les obstacles réglementaires, sociaux et politiques
- Financer la transition de manière équitable
- La France 100% renouvelable en 2025, dépend de nous !
Doit-on et peut-on être 100% renouvelable en France?
La transition vers un mix énergétique entièrement renouvelable présente de nombreux avantages pour la France. Elle garantirait une plus grande autonomie énergétique en réduisant la dépendance aux importations de combustibles fossiles (gaz et pétrole).
La France importe presque la totalité de son pétrole et gaz naturel, rendant son économie vulnérable aux fluctuations des marchés et aux crises géopolitiques.
De plus, les énergies renouvelables représentent une opportunité économique significative. Selon le scénario NégaWatt 2022, la transition pourrait créer jusqu’à 900 000 emplois d’ici 2050, principalement dans les secteurs de l’éolien, du solaire et de la rénovation thermique des bâtiments .
Ce chiffre est bien supérieur aux 220 000 emplois directs et indirects actuellement liés à l’industrie nucléaire en France .
100% renouvelable en France en 2050, est-ce mathématiquement possible ?
La transition vers une réduction des énergies fossiles repose sur l’électrification des usages, notamment dans les secteurs des transports et du chauffage.
Par exemple, les véhicules électriques remplacent progressivement les véhicules thermiques, avec l’interdiction prévue de ces derniers dès 2040 en France.
Cette électrification entraînera une augmentation de la demande en électricité, que RTE estime à 645 TWh en 2050, soit une hausse de 35 % par rapport à 2019. Cette augmentation pourrait cependant être différente si les mesures d’efficacité et de sobriété énergétique n’étaient suivies.
En parallèle, l’intermittence des énergies renouvelables (solaire et éolien) constitue un défi majeur, mais plusieurs solutions existent pour gérer cette variabilité.
- La première est la flexibilité de la demande, qui consiste à adapter la consommation aux périodes de forte production, comme chauffer les ballons d’eau chaude la nuit ou recharger les véhicules électriques en heures creuses. Selon RTE, cette flexibilité pourrait représenter 15 % de la demande en 2050.
- La seconde solution repose sur le stockage de l’énergie, essentiel pour équilibrer production et consommation.
Aujourd’hui, les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) jouent un rôle clé, et à l’avenir, des technologies comme l’hydrogène vert et les batteries pourraient compléter ces dispositifs, offrant des options supplémentaires pour stabiliser le réseau et stocker l’énergie excédentaire.
Comment mettre en place une transition écologique qui nous permette d’atteindre le 100% renouvelable en 2050 ?
Le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE propose plusieurs scénarios pour atteindre la neutralité carbone. Les trois principaux scénarios de transition énergétique vers un mix majoritairement renouvelable sont M0, M1 et M23. Ces scénarios varient en fonction de la part résiduelle de nucléaire en 2050 :
- Scénario M0 : 100 % renouvelable, avec un arrêt progressif du parc nucléaire (fermeture des premiers réacteurs dès 2030 et arrêt complet d’ici 2050). Ce scénario implique un développement massif des énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique), avec un objectif de 800 TWh de production renouvelable.
- Scénarios M1 et M23 : Ces scénarios incluent une part résiduelle de nucléaire (91 TWh produits par le nucléaire en 2050), combinée à une forte augmentation des énergies renouvelables. Le scénario M1 privilégie une production diffuse, avec des installations réparties sur tout le territoire pour maximiser la proximité entre production et consommation. Le scénario M23, quant à lui, favorise des installations plus concentrées dans de grands parcs éoliens et solaires, offrant de meilleurs rendements.
« Il est plus cohérent et moins hasardeux d’opter dès aujourd’hui pour ce changement de système »
Atteindre une France 100% renouvelable est techniquement possible, mais cela nécessite des investissements considérables, une modernisation des infrastructures et le développement du stockage d’énergie, de la flexibilité de la demande et de technologies comme l’hydrogène pour pallier l’intermittence.
Cependant, à court terme, les scénarios M1 et M23, qui incluent une part résiduelle de nucléaire, semblent plus réalistes.
Bien que le scénario M0 soit envisageable, il comporte des défis économiques et techniques majeurs. La transition vers le 100 % renouvelable dépendra donc des choix politiques, des investissements stratégiques et de l’acceptabilité sociale de ces projets.
Une énergie 100 % renouvelable, c’est possible ?
Atteindre une énergie 100 % renouvelable signifie que l’ensemble de l’électricité, du chauffage, du carburant ou encore des usages industriels provient uniquement de sources comme le solaire, l’éolien, l’hydroélectricité, la biomasse ou la géothermie.
Si cela semble utopique pour certains, c’est une trajectoire techniquement envisageable à condition de repenser profondément nos infrastructures, nos modes de production et nos habitudes de consommation.
Sur le plan technologique, les solutions existent déjà : des pays comme l’Islande ou la Norvège produisent quasiment 100 % de leur électricité à partir de sources renouvelables. Toutefois, produire toute l’énergie nécessaire (et pas seulement l’électricité) reste un défi complexe, car certains secteurs comme le transport aérien, l’industrie lourde ou l’agriculture sont encore très dépendants des énergies fossiles.
Autre enjeu majeur : l’intermittence. Le solaire et l’éolien ne produisent pas de façon constante, ce qui nécessite le développement de systèmes de stockage (batteries, hydrogène, STEP), de réseaux intelligents, ou encore de mécanismes d’ajustement de la demande. Une transition vers du 100 % renouvelable ne repose donc pas uniquement sur des panneaux solaires et des éoliennes, mais aussi sur un changement global de modèle énergétique, intégrant sobriété, efficacité, flexibilité et relocalisation de la production.
Enfin, la faisabilité dépend fortement de la volonté politique, des investissements publics, de l’acceptabilité sociale et d’une vision de long terme. Ce n’est pas seulement une question de technologie, mais aussi de choix collectif.
En France, que représente l’énergie renouvelable dans la consommation en 2025 ?
En 2025, les énergies renouvelables couvrent environ 20 % à 23 % de la consommation finale d’énergie en France. Un chiffre qui progresse régulièrement, mais qui reste encore loin de l’objectif de neutralité carbone fixé pour 2050.
Dans le détail :
- L’électricité renouvelable (hydraulique, éolien, solaire, biomasse) représente environ 45 % de la production électrique nationale, avec une part majoritaire encore assurée par l’hydroélectricité, suivie de l’éolien et du solaire.
- Les renouvelables dans le chauffage progressent aussi grâce au bois, à la géothermie et aux réseaux de chaleur. Mais le gaz et le fioul restent très présents dans les logements anciens.
- Dans les transports, la part de carburants renouvelables (biocarburants, électricité verte pour véhicules électriques) reste encore faible, autour de 10 %, principalement via les biocarburants incorporés dans l’essence ou le gazole.
La France s’est fixée un objectif de 33 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie d’ici 2030, dans le cadre de sa Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE). Si la dynamique s’accélère, notamment sur le solaire et l’éolien en mer, des freins structurels demeurent : lenteurs administratives, oppositions locales, manque d’infrastructures, ou encore difficultés de raccordement.
Quels pays sont des exemples à suivre en matière d’énergie 100 % renouvelable ?
Plusieurs pays à travers le monde démontrent qu’une ambition forte en matière d’énergies renouvelables peut porter ses fruits, en combinant volonté politique, investissements massifs et mobilisation citoyenne.
Islande : Le modèle géothermique
L’Islande est souvent citée comme un modèle. Grâce à son activité volcanique, elle couvre près de 100 % de sa production d’électricité et de chauffage avec la géothermie et l’hydroélectricité. Le pays a ainsi réduit sa dépendance aux fossiles tout en assurant un coût de l’énergie très bas.
Norvège : L’hydroélectricité comme pilier
Avec plus de 95 % de son électricité issue de barrages hydroélectriques, la Norvège illustre la puissance du potentiel hydraulique. Elle exporte même une partie de son électricité renouvelable à ses voisins européens. Comme l’Islande, elle exploite intelligemment un environnement naturel propice à l’hydroélectricité et à la géothermie. En revanche, son secteur des transports dépend encore du pétrole.
Costa Rica : Un petit pays très ambitieux
Ce pays d’Amérique centrale réussit depuis plusieurs années à produire près de 100 % de son électricité à partir de sources renouvelables, notamment l’hydroélectricité, la géothermie et le solaire. L’engagement environnemental y est intégré dans la culture politique nationale.
Uruguay : Un virage en dix ans
Entre 2010 et 2020, l’Uruguay a transformé son mix énergétique pour atteindre près de 98 % d’électricité renouvelable, grâce à une combinaison éolienne, solaire, hydraulique et biomasse, et à une régulation favorable aux investisseurs.
Allemagne : Une transition à grande échelle
Même si elle reste partiellement dépendante du charbon et du gaz, l’Allemagne est un exemple d’investissement massif dans les énergies renouvelables. Le pays a déjà dépassé les 50 % d’électricité renouvelable, malgré des conditions climatiques moins favorables que d’autres régions.
Ces exemples montrent qu’il est possible d’avancer rapidement, même avec des contextes économiques, géographiques ou politiques différents.
La clé : des choix politiques clairs, un cadre incitatif stable, et une mobilisation à tous les niveaux.
Quelles sont les conditions à réunir pour une France 100 % renouvelable ?
Atteindre une France 100 % renouvelables d’ici 2050 est un objectif ambitieux mais réalisable, à condition de conjuguer plusieurs leviers stratégiques. Cela suppose de lever les nombreux freins actuels, tout en accélérant sur les conditions nécessaires à une transformation profonde de notre système énergétique.
Développer massivement les capacités de production renouvelable
L’un des premiers leviers reste l’accélération du déploiement des infrastructures renouvelables :
- Solaire photovoltaïque : aujourd’hui encore marginal par rapport à son potentiel, il doit être largement développé sur les toitures, les parkings, les friches industrielles ou agricoles.
- Éolien terrestre et en mer : la France est encore en retard, notamment sur l’éolien offshore. Il faudra tripler, voire quadrupler la capacité installée d’ici 2050.
- Hydroélectricité : déjà mature, elle devra être optimisée, modernisée et mieux intégrée dans les besoins de flexibilité.
- Biomasse et géothermie : des filières complémentaires à structurer, notamment pour le chauffage et les usages industriels.
Rénover massivement les bâtiments et améliorer l’efficacité énergétique
La production ne suffira pas si la demande énergétique reste trop élevée. Il est donc impératif de :
- Lancer une vraie révolution de la rénovation thermique, notamment dans les logements anciens.
- Accompagner les ménages, les copropriétés, les bailleurs sociaux dans la mise en œuvre de travaux ambitieux.
- Moderniser l’éclairage public, les équipements électroménagers, les systèmes de chauffage, pour tendre vers une sobriété technologique généralisée.
Assurer la flexibilité et le stockage de l’énergie
Le passage au 100 % renouvelable implique de gérer l’intermittence de l’éolien et du solaire. Pour cela, plusieurs solutions doivent être renforcées :
- Développer le stockage à grande échelle (batteries, stations de transfert d’énergie par pompage, hydrogène vert).
- Encourager la flexibilité de la demande, par des incitations tarifaires ou des technologies intelligentes (comme le pilotage automatique de la consommation).
- Investir dans un réseau électrique intelligent et interconnecté (smart grid), capable de gérer en temps réel les flux d’énergie entre producteurs et consommateurs.
Repenser notre modèle de consommation : sobriété et usages
L’énergie la plus propre reste celle que l’on ne consomme pas. Pour réussir, il faudra adopter une sobriété structurée et volontaire :
- Redéfinir nos usages, en limitant les consommations superflues ou énergivores.
- Favoriser les mobilités douces, les circuits courts, le télétravail ou les modes de vie moins dépendants de l’automobile.
- Inscrire la sobriété dans les politiques publiques, mais aussi dans les comportements individuels.
Lever les obstacles réglementaires, sociaux et politiques
Le défi ne sera pas uniquement technologique : les blocages sont souvent institutionnels ou sociétaux.
- Accélérer les procédures d’autorisation des projets renouvelables, aujourd’hui trop longues et parfois incohérentes.
- Favoriser l’acceptabilité locale, en associant les citoyens et collectivités aux projets (coopératives d’énergie, retombées économiques locales).
- Clarifier les choix politiques, en définissant une trajectoire stable et partagée, qui rassure les investisseurs et mobilise la société civile.
Financer la transition de manière équitable
Une transition 100 % renouvelable suppose des investissements publics et privés massifs : rénovation, infrastructures, innovation et formation aux énergies renouvelables. Mais elle ne pourra réussir que si elle est socialement juste :
- Soutien aux ménages précaires pour sortir des passoires thermiques.
- Accompagnement des territoires dépendants des énergies fossiles ou du nucléaire.
- Création d’emplois dans les filières vertes et reconversion des métiers liés aux énergies traditionnelles.
La France 100% renouvelable en 2025, dépend de nous !
La France peut devenir 100 % renouvelables à l’horizon 2050, mais seulement si elle enclenche dès maintenant une mutation complète de son système énergétique. Cela passera par des choix collectifs forts, une mobilisation à tous les niveaux, et une capacité à surmonter les obstacles sociaux, politiques, économiques et culturels. Ce chemin est exigeant, mais il est aussi une formidable opportunité de créer une société plus résiliente, plus juste, et plus respectueuse des limites planétaires.
Sources :
- RTE, Futurs énergétiques 2050, Scénarios de transition énergétique.
- RTE, “Bilan Prévisionnel 2020-2035”, rapport technique.
- ADEME, “Mix énergétique en France à 2050”, 2021.
- NégaWatt, Scénario NégaWatt 2022, Rapport sur la transition énergétique.
- Ministère de la Transition Écologique, “Dépendance énergétique et importations de combustibles fossiles”, 2020.
- Les chiffres de l’emploi dans la transition énergétique en France, 2022.
- SFEN, Emplois dans le secteur nucléaire, 2021.
- Loi Climat et Résilience, Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), 2021.